La cuisine centrale de Toulouse, comme tous les opérateurs de la restauration scolaire en France, travaille entre règlementations et recommandations. On constate que, si les objectifs sont louables, la question du goût et de la qualité du produit ne semble pas être une préoccupation essentielle pour le législateur et autres experts.
C’est une phrase récurrente que l’on entend quand on assiste en tant que parent aux commissions des menus de la cuisine centrale : « ah oui, mais nous sommes tenus de nous conformer au décret du 30 septembre 2011 ».
En effet, les professionnels de la restauration scolaire doivent appliquer obligatoirement ce décret interministériel. Il règlemente la qualité nutritionnelle des repas servis aux enfants, depuis la maternelle jusqu’au lycée.
En résumé, le décret définit :
– La composition du repas : 1 plat principal, 1 garniture, 1 produit laitier et, au choix, 1 entrée et/ou 1 dessert.
– La fréquence de présentation des plats sur 20 repas successifs.
– La taille des portions selon les plats et selon les classes d’âges des enfants.
Pour la fréquence de présentation des plats, c’est un équilibre alimentaire entre fibres, vitamines et calcium qui semble être recherché, ainsi qu’une limitation des produits gras et sucrés.
Par exemple, les entrées constituées de produits gras (+ de 15% de matière grasse) peuvent être servies au maximum 4 fois sur 20 repas. Autre exemple : les crudités ou les fruits frais doivent apparaître dans au moins 10 repas sur 20.
Pour la taille des portions, la part de pizza varie de 70 grammes (en maternelle et élémentaire) à 90 grammes (en collège et lycée). Le plat composé (exemple : brandade) varie de 180 g à 300 g selon les classes d’âges.
Tout cela est très bien mais on peut regretter que ce décret ne comporte aucune instruction sur la provenance et la traçabilité des produits, la façon dont ils sont transformés, leur qualité sanitaire (présence d’additifs, de conservateurs, de pesticides, etc) ou bien encore sur leur nature (frais ou surgelés) lorsqu’ils arrivent chez les opérateurs qui préparent à manger pour nos enfants.
On ne peut également s’empêcher de noter, dans le tableau des grammages qui accompagne le décret, que la liste des produits évoqués fait la part belle aux plats transformés, comme si ces derniers devaient majoritairement régner dans les cantines : beignets, friands, tartes salées, fingers, nuggets de volailles, boulettes de mélanges variés de viandes, brandade, raviolis, lasagnes, … Les géants de l’industrie agro-alimentaires ont une belle autoroute devant eux.
Le guide des recommandations nutritionnelles pour le milieu scolaire
Voilà pour le cadre légal. Il sert de base au guide du GEM-RCN. Quésaco ? Le GEM-RCN, c’est le Groupe d’Etude des Marchés de Restauration Collective et Nutrition. Sous la houlette du Ministère de l’Economie et des Finances, il édite un guide de « Recommandations nutritionnelles pour le milieu scolaire ». On remarque ici que cette question ne relève ni de la Santé, ni de l’Education.
Ce guide ne fait pas obligation. C’est aux opérateurs privés et publics de la restauration collective de décider s’ils en appliquent ou pas les « bonnes pratiques ».
Certaines recommandations, générales, portent sur les enjeux du repas scolaire (« le repas doit être pour chaque élève un moment de convivialité, de plaisir et d’éducation alimentaire »), les besoins des enfants (« ils ont besoin d’une alimentation leur permettant une croissance harmonieuse et un développement optimal »), les objectifs nutritionnels (« une consommation suffisante de fruits et de légumes et de produits laitiers, des féculents variés, une quantité limitée de matières grasses et de sucres ajoutés, … »).
Le guide détaille par ailleurs la structure des repas, le contenu des fiches techniques, la variété des menus. Il rappelle, aussi, la fréquence de services des plats, le grammage des portions, etc.
Si toutes ces recommandations semblent aller dans le bon sens, et avoir du bon sens en termes d’équilibre nutritionnel, force est de constater que le GEM-RCN ne donne aucune consigne sur les sources d’approvisionnement, les qualités intrinsèques des produits ni les méthodes de préparation culinaire.
Tout juste précise-t-on que « les fruits et légumes frais, de saison ou primeurs, sont à privilégier. Les fruits et légumes nature, surgelés ou 4ème gamme, sont une alternative ». On sait que la cuisine centrale de Toulouse, en l’occurrence, ne travaille aucun légume frais. En cela, elle ne respecte pas la recommandation du GEM-RCN mais elle a cependant tendance à se retrancher derrière le groupement lorsque cela facilite les explications aux parents.
Concernant le bio, il est dit que « l’introduction de produits issus de l’agriculture biologique dans les menus doit être encouragée. L’objectif fixé par la circulaire du 2 mai 2008 était d’atteindre dans les 4 ans 20% de denrées issues de l’agriculture biologique dans les menus ». Sur ce point, la cuisine centrale est en conformité avec avec 22% de produits bio (part calculée en euros, nature des produits non communiquée). Mais d’autres collectivités comme les villes de Lille, St-Etienne ou le département du Gard font aujourd’hui beaucoup mieux, et Paris vise les 50% d’ici 2020.
Décret et recommandations : les ministères donnent un cadre général, axé sur l’équilibre alimentaire, mais laisse aux opérateurs de la restauration collective toute latitude de donner à nos enfants de bons repas équilibrés qu’ils prendront avec plaisir, ou des plats insipides qu’ils avaleront machinalement ou qui partiront ensuite à la poubelle.
Bonjour
Bel article, bien éclairant sur le chemin restant à parcourir
(j’ai adoré le passage sur les légumes frais…)
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Merci pour cet article, qui souligne bien l’influence des industries agro-alimentaires dès la rédaction des textes législatifs. Rappelons-nous que la proposition de loi de l’Assemblée sur les 20% de bio dans les cantines scolaires a été rétorquée par le Sénat et vidée de son contenu, après avoir été confiée à une commission présidée par le sénateur Daniel Grémillet, agriculteur non bio.
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