Visite de la cuisine centrale : la vision industrielle est-elle celle de l’avenir ?

Suite à la dernière visite effectuée par Christine il y a près de 2 ans, il est temps, pour d’autres membres de notre collectif, de mettre un pied dans le lieu produisant la totalité des repas servis dans les écoles toulousaines.

Rendez-vous est donc pris, mercredi 10 octobre à 08h00 aux Cuisines Centrales de la Ville à Basso Cambo. Le rdv est matinal mais il nous permettra de voir les cuisines en période de pointe

En effet, si les premiers agents arrivent vers 4h30, la première équipe de 8 cuisiniers est en place de 5h00 à 12h00 et la livraison des repas s’échelonne de 6h30 à 11h00 environ…bref, 08h00, c’est le coup de feu !

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Arrivés sur place, il flotte dans l’air quelque chose qui ressemble beaucoup aux effluves de nos années collège ce qui ne nous rappelle pas que de bons souvenirs…allez, c’est parti !

Nous sommes (très bien) accueillis par Anne Limbertie, responsable de production du site, qui sera notre guide pour cette visite.
Il est à noter que, quels que soient les griefs que nous pouvons formuler à l’encontre de la mairie au sujet de la qualité des repas servis aux enfants, la porte des cuisines centrales nous est grande ouverte que ce soit pour l’organisation de visites ou pour la participation des parents aux commissions menus.

Cet effort de transparence est louable et nous remercions nos interlocuteurs pour cela.

La visite débute par des généralités tout de même instructives, à savoir,  les cuisines centrales fournissent :

  • L’intégralité des repas des écoles toulousaines soit environ 32000 repas par jour
  • Le repas du midi des foyers de seniors (600 repas par jour)
  • Le restaurant social de l’ile du Ramier (600 repas par jour)
  • La Croix Rouge (environ 100 repas par jour)

Ces chiffres sont valables en période scolaire mais tombent à environ 7 000 repas par jour en période de vacances scolaires (les centres de loisirs prennent alors le relais des écoles pour un certain nombre d’enfants) .

Les Cuisines Centrales de Toulouse appliquent le principe de la liaison froide c’est-à-dire que :

  • Les denrées arrivent généralement la veille du jour de production
  • Les plats sont cuits puis réfrigérés rapidement avant d’être stockés en chambre froide pendant 3 à 5 jours (suivant les produits).
  • Ils sont alors acheminés vers les écoles où ils sont réchauffés (dans des barquettes plastiques…) et servis à nos enfants.

La liaison froide est née dans les années 1970 pour limiter le risque de contamination bactérienne et surtout favoriser la cuisine industrielle, seule apte à la mettre en place ; en ce qui nous concerne, nous considérons surtout qu’elle est un obstacle à la qualité gustative et nutritive des plats, ce qui est difficilement contestable…faites l’essai chez vous, quelle vitamine, quelle texture et quel goût peuvent survivre à plusieurs cycle de cuisson-réfrigération, sans compter que la denrée de base a déjà dû passer un temps certain en chambre froide ou en congélateur…

Cette introduction faite, place à la visite !

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Nous commencerons par nous habiller comme il se doit de blouses, surchaussures et charlottes pour des raisons évidentes de propreté…heureusement que nos enfants ne nous ont pas vu dans cet état … oups trop tard.

La visite peut enfin débuter, nous voilà dans l’épicerie des cuisines centrales, lieu stratégique qui contient conserves, condiments et autres, c’est-à-dire tout ce qui peut être conservé à température ambiante.

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Et il y a beaucoup de conserves ! Et donc beaucoup de déchets, surtout quand il s’agit de lots individuels comme les compotes ; pourquoi ne pas imaginer des plus grands contenants et quelques lots individuels en compléments numéraires si besoin ? …. Telle est la question !!!!!

Arrivée ensuite au poste d’ouverture des boîtes de conserve…plusieurs agents s’affairent pour ouvrir des boîtes de haricots verts…7 palettes de boite de haricots verts de 2.4kg chacune…dur travail malgré l’aide mécanique…

Les boîtes récupérées sont valorisées par une société extérieure.

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Nous arrivons ensuite dans l’espace d’allotissement, c’est-à-dire la répartition en autant de lots que d’écoles des marchandises à livrer. Cette phase a lieu chaque jour de 7h00 à 14h00 pour préparer la livraison du lendemain.

Là encore le travail est physique et il fait bien entendu froid…des conditions de travail vraiment rudes pour faire correspondre 220 bons de livraisons à la marchandise attendue.

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Les livraisons de ces commandes auront lieu le lendemain matin, de 07h00 à 10h30 environ car il faudra parfois environ 40 minutes aux cantinières des écoles pour réchauffer les plats (en plastique) dans les fours des écoles.

La visite se poursuit…tiens des concombres ?!

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Ce sont malheureusement les premiers produits frais que nous croisons car les cuisines centrales ne servent que de très peu de produits frais.

En effet, il n’y a pas de légumerie permettant de trier, laver, couper les légumes…les légumes arrivent donc en conserves ou déjà coupés et congelés, prêts à être assemblés. Dans la foulée, on peut imaginer que les vitamines ont été abandonnées en cours de route !

Ces concombres, mangés crus, seront lavés, pelés et coupés directement dans les cantines : c’est une exception (comme les tomates crues) mais nous sommes en droit de nous demander d’où ils viennent (l’application « qui dit miam » ne le dit pas) et combien de temps ils ont séjourné au frais avant d’être servis…

Place enfin à la « cuisine » !

Une structure comme les cuisines centrales subit de fortes contraintes de fonctionnement à savoir la nécessité d’équilibrer les repas mais aussi la production de ces repas car le nombre de cuves et de fours sont limités et il faut jongler pour les utiliser au mieux.

Il faut composer également avec les chaînes de conditionnement (1 pour le « froid et une pour le « chaud »).

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Une chose nous surprend : comment une si « petite » cuisine peut fournir autant de repas par jour, comment ont-ils la place de cuisiner ?

La réponse est malheureusement un peu dans la question, ils cuisinent peu, assemblent beaucoup, réchauffent mais nous sommes évidemment plus proche du Tricatel de « l’aile ou la cuisse » que du restaurant étoilé de la place du Capitole…

C’est ainsi que la purée ne voit jamais les pommes de terre, ni les omelettes les oeufs frais ! Et pourtant il y aurait à gagner en goût et en prix à travailler directement les matières premières au lieu de consommer du « prêt à ingérer » industriel.

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A vous de juger…il y a seulement 5 (grands) fours et 4 (grosses) cuves pour la cuisson pour une malheureuse sauteuse qui peut permettre de faire revenir par exemple des oignons…le tout avec seulement 8 cuisiniers par équipe, équation délicate…

Le travail semble pénible et nous ne jugeons pas ici la qualité ou le dévouement du personnel sur place, nous pensons même malheureusement qu’ils peuvent difficilement faire mieux avec ce type de produit et l’équipement à disposition, c’est un constat amer.

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Notre visite s’achève par la séance de questions qu’Anne Limbertie nous a spontanément proposée. Nous apprenons entre autres que les Cuisines Centrales vont subir de nouveaux travaux d’extension :

  • 4 quais de livraison vont être créés pour plus de commodité (en plus des 8 actuels)
  • 1 local épicerie va être construit en plus de l’existant afin de stocker un stock tampon de denrées s’il venait à y avoir un problème de production (spéciale dédicace aux amateurs de lasagnes au thon…)
  • 1 local réfrigéré pour les poubelles

A notre question concernant la capacité des cuisines qui ne peut pas croître éternellement, nous comprenons qu’une simple augmentation des effectifs (2 équipes plutôt qu’une l’après-midi ou un travail de nuit en ajout) pourrait permettre de monter théoriquement jusqu’à 45 000 repas par jour…rassurant ? Pas vraiment…

Le choix sur le futur est remis à la prochaine mandature car c’est un choix éminemment politique !

Que voulons-nous pour nos enfants ? Continuer sur cette voie ou essayer de l’infléchir en allant progressivement vers des structures plus petites, des légumeries, plus de préparations dans les écoles ?

Cela fait partie des points à évoquer sans cesse pour rappeler qu’une cuisine industrielle n’est pas une fatalité, d’autres voies sont possibles, plus proches des producteurs pour l’approvisionnement et plus proches des enfants pour la préparation des plats.

On ne peut pas entendre que c’est impossible, d’autres le font et Toulouse le faisait avant la liaison froide. Si ce n’est pas possible immédiatement nous pouvons tout de même essayer d’imaginer un futur différent.

La mairie ne voulait pas entendre parler d’un remplacement des barquettes plastiques mais nous avons poursuivi notre effort et c’est aujourd’hui en bonne voie…il faut rester optimistes et combatifs, nous le serons !

Notre crédo ne change pas, nous ne demandons pas de grande cuisine façon chef étoilé mais de la cuisine simple, saine et goûteuse avec des produits de saison peu transformés.

Nous pensons également que la logique comptable n’est pas justifiée lorsqu’il s’agit de la santé de nos enfants ; les chiffres mairie 2017 annoncent que l’achat de denrées ne représentant que 22% du coût réel d’un repas (1,90€ sur 8,65€), une augmentation du prix des denrées représenterait donc peu sur le prix global d’un repas, il faut accélérer dans la montée en gamme des produits et bannir additifs douteux et produits bas ou milieu de gamme.

2 réflexions sur “Visite de la cuisine centrale : la vision industrielle est-elle celle de l’avenir ?

  1. Bonjour,
    Merci pour votre article sur la cuisine centrale, tout d’abord pour le ton employé respectueux de chacun, ensuite pour la reconnaissance de l’investissement des personnes chargées de préparer les repas de nos enfants, enfin pour le descriptif factuel de ce système.
    La Région a placé l’alimentation en grande cause régionale pour 2018 et veut changer de modèle notamment par :
    – la mutualisation des légumeries avec les départements ou la construction de nouvelles légumeries
    – la formation des cuisiniers pour leur rendre leur métier
    – l’utilisation de produits Bio en circuit court
    Hier midi au journal de 13h de France 2, il y avait un reportage sur une petite école communale du Calvados qui fait 10 000 repas par an, qui fonctionne en circuit court avec du bio, illustrant bien cet autre système.
    Pas de notion de grammage, pas de référence à la recommandation du GEM-RCN, une cantinière qui sait cuisiner, le cout du repas est passé de 4,59€ à 4,99€ ce qui ne me semble pas un surcout non absorbable pour une nourriture saine équilibrée, développant le goût et faisant vivre les producteurs locaux.
    A mon sens le système des cuisines décentralisé est à suivre.
    Excellente journée

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